02 mars 2011

Le marketing appliqué aux cochons d'élevage : rire ou pleurer?

Extrait de "Le livre noir de l'agriculture", Isabelle Saporta, Fayard, 2011

"Pen Ar Lan, l'un des cadors du milieu [de l'élevage intensif, Ndb], se vante [ainsi] d'avoir commercialisé plus de 235 000 truies "Naïma" dans le monde en 2006. France Hybrides a exporté quelque 180 000 de ses truies "Galaxy" dans 22 pays différents. [...] Aujourd'hui [les cochons], ce sont des "produits" appartenant à une "gamme". Préoccupation numéro un pour le verrat : la vitesse de croissance; numéro deux : le muscle; numéro trois : sa consommation de nourriture. Moins il mange, plus il grossit et mieux c'est. La petite bête est certes un tantinet fragile. Mais qu'importe, grâce au génie génétique de Pen Ar Lan, le Pietrain new wave est "100% résistant au stress" (la publicité vante "les qualités du Piétrain, sans le stress"). Et pourquoi ce soudain désir de fournir des bêtes "indemmes du gène de sensibilité au stress"? Parce que ce gène, appelé RN, "génère des viandes acides à 24 heures post mortem et des bas rendements à la cuisson". Le verrat P76, lui, est "économique" par excellence, fait pour produire au moindre coût." Son petit frère Maxter 16, de France Hybrides, promet un "rendement exceptionnel" - "priorité au muscle" - , que la bête croupisse sur caillebotis ou sur paille, qu'elle mange à volonté ou qu'elle soit rationnée. Maxter 16, quoi que tu lui fasses et quoi que tu lui donnes à manger, il gonfle à vue d'oeil ! Tout comme son cousin Musclor, de chez Gene Plus.


Que dire de la belle et douce Naïma de chez Pen Ar Lan? "Chinoise par ses qualités maternelles, européenne par ses qualités de carcasse". Son prénom est même encadré d'une calligraphie chinoise...Et qu'importe si Naïma est un prénom arabe signifiant "douceur du paradis" et formé à partir de l'adjectif na'îm, "heureux". Heureuse Naïma ne doit pourtant pas l'être tant que ça, malgré "son instinct maternel particulièrement développé". Qu'est-ce que l'instinct maternel d'une truie? Le style est lapidaire : "une prolificité exceptionnelle, et ce grâce aux qualités utérines des races chinoises associées à l'importante ponte ovulaire des races hyperprolifiques européennes. Des venues en chaleur très marquées, un ISSF court [intervalle de sevrage de saillie de fécondation, soit l'intervalle entre le sevrage des porcelets et la nouvelle saillie fécondante - ici 6 jours au plus]. Mises bas rapide [il ne manquerait plus qu'elles traînent ces fainéantes...], excellente production laitière, très bonnes qualités des tétines; ajouté à ceci, de bons aplombs." [...] Chaque année, ces super truies sont récompensées au Space - le Salon International de l'élevage qui se tient à Rennes - par le célèbre cochon d'or. Cette année, la cérémonie était animée par l'ex-Miss France Elodie Gossuin...La jolie reine de beauté a embrassé à bouche que veux-tu les trois éleveurs comptant dans leur porcherie des truies capables de sevrer 32,1 porcelets..."

A suivre...

Elevage porcin, l'industrialisation de la mort

Extrait de "Le livre noir de l'agriculture", Isabelle Saporta, Fayard, 2011

 ""L'élevage porcin, c'est l'industrie lourde de l'agriculture", se félicite Patrice Drillet, vice-président de la Cooperl Arc Atlantique. Cette coopérative abat plus de 5 200 000 porcs par an, soit 20% de la production porcine française à elle seule. Chaque semaine ses trois abattoirs tuent 100 000 porcs. Un toutes les six secondes. Un vrai travail à la chaîne qui ne souffre ni sentiment, ni perte de temps.


En quarante ans, la France, pas peu fière de ses cochons, a su employer les grands moyens pour industrialiser ses élevages. Et qu'importe si, au passage, on a divisé par 50 le nombre d'exploitations agricoles - de 795 000 en 1968 à 15 000 aujourd'hui - tout en multipliant par deux le cheptel.[...] Aux oubliettes, les dizaines de races rustiques qui existaient encore au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les généticiens ne veulent plus voir qu'une seule tête. Ou plutôt quatre : Landrace, Piétrain, Duroc et le fameux Large White. Ce dernier est issus de croisements entre des porcs blancs du Yorkshire et des races chinoises qui, dixit le Nouveau Larousse agricole, édition 1952, "ont été choisies pour la finesse de leur squelette (elles font plus de viande que d'os) et pour leur aptitude à un engraissement rapide"; "les bêtes reçurent au fil des ans des doses croissantes de sang asiatique". Les races chinoises sont surtout célèbres pour donner des truies hyperprolifiques."